Rends les enfants acteurs de ton ACEM, iels seront plus heureux !

Une des valeurs que je défends le plus, c’est la participation active du public dans les ACEM. Rendre les enfants acteurs et actrices, belle idée de départ me direz-vous… Mais pas si simple que ça à mettre en œuvre. Je vous propose donc quelques idées concrètes (et éprouvées sur le terrain) pour favoriser cela, avec un focus sur la récolte des envies des enfants.

Cette idée d’article m’est venue en écoutant l’entretien de Mélina Raveleau, paru la semaine dernière. Un concentré de concepts mais aussi d’idées et d’outils concrets : prenez le temps, ça vaut vraiment le coup ! Et en plus vous découvrirez un tout nouvel organisateur de vacances vraiment intéressant : Toustes en colo. Le podcast est par ici.

Au sommaire de cet article :

Rendre les enfants acteurs et actrices, ça permet quoi ?

La participation active du public est une vraie valeur. Quand je parle de rendre les enfants acteurs et actrices, cela signifie leur faire prendre part (de différentes manières) à l’organisation de l’ACEM.

Personnes en train de construire ensemble

Pour rendre cela effectif, ça doit en premier lieu être un point sur lequel l’équipe soit d’accord et ait envie de travailler. Cela nécessite du temps, la mise en place d’outils et une certaine dose d’adaptation pour les adultes.

Avant de partir là-dessus, je voudrais faire un petit point sur les intérêts que je vois à rendre acteur le public d’un ACEM. 

Sortir de la simple consommation

J’entends souvent dire qu’on souhaite que les enfants sortent du cercle de la consommation effrénée qui semble aujourd’hui faire l’essence de notre société. Pour moi, la consommation c’est quand j’achète quelque chose (un produit physique autant qu’un service) et que je ne peux pas agir sur ce qu’il est ou comment il se déroule.

Personne qui choisit un article à mettre dans son panier d'achat

Quand un·e enfant est accueilli·e dans un ACEM, iel est souvent consommateur de ce temps de loisirs ou de vacances, dans le sens justement où sa participation aux décisions et à l’organisation est souvent restreinte voire inexistante. Mettre en place des outils pour le rendre acteur ou actrice, c’est sortir de ce schéma de simple consommation pour lui faire prendre conscience des enjeux d’un ACEM. 

Dans ces enjeux, je pourrais citer celui du réalisme matériel (non, on ne peut pas construire une fusée qui nous emmène sur la lune pour de vrai). Mais aussi de l’équilibre individu – groupe (dans le sens où il va justement falloir trouver des compromis entre les envies de tout un chacun). Et enfin la capacité des adultes autour (je n’ai peut-être dans mon équipe personne qui sait faire telle ou telle activités qui est demandée). Autant d’éléments à prendre en compte.

Devenir acteur ou actrice de ce que je fais, c’est découvrir les possibilités autant que les limites de ce que j’ai envie.

Apprendre à donner son avis et cerner ses envies

Je me suis déjà retrouvée devant des enfants qui, lorsqu’on leur demandait ce qu’iels voulaient faire, se retrouvaient un peu en rade d’idées. Ou bien proposaient, encore une fois, un énième tournoi de foot (ce qui me fait grincer des dents). 

Génération sans imagination ? Pour moi, non, mais par contre un public à qui l’on demande tellement peu son avis et ses envies que la question reste bien pauvre. Et des enfants qui ont souvent vu peu de diversité dans les activités qu’on leur a proposé, ce qui fait qu’iels ont un panel d’idées relativement restreintes.

Alors ne hurlez pas tout de suite, je sais bien que là je généralise à fond. Et, attention, je n’ai pas dit que faire du foot était mal, loin de moi cette idée. Ce que j’ai pu constater à force de l’expérimenter, c’est que donner son avis et cerner ses envies, eh bien finalement c’est facile à dire mais pas si simple à faire. Et explorer de nouveaux domaines, encore moins.

Personne qui donne son avis

Se poser la question de rendre les enfants acteurs et actrices, c’est l’occasion de se donner les moyens de dépasser cela, et de leur donner par la même occasion, un apprentissage sur le fait de réfléchir, se positionner etc. Et d’être créative, pour l’équipe pédagogique, sur comment leur amener de nouvelles idées et activités. Bref, ajouter un « é » à ACM !

Avancer sur le chemin de la citoyenneté

Rien qu’avec ça, je devrais vous avoir convaincu·es, j’ai utilisé un beau mot qui sonne bien… Non ? Ah ben zut, je croyais qu’en utilisant des beaux mots à la mode ça suffisait… Langue de bois bonjour (si vous n’avez jamais vu Franck Lepage à l’œuvre là-dessus, filez voir cette vidéo, c’est excellent).

Blague mise à part, pour moi la citoyenneté c’est (entre autres) apprendre à faire du politique (oui, oui). Pas dans le sens « la politique de partis » (ce qu’on vit aujourd’hui) mais dans un sens plus étymologique, à savoir celui de « participer à la vie de la cité ». Et prendre conscience que tous nos (petits) choix influent sur la (grande) machine qu’est la société. Les petits ruisseaux font les grands fleuves, la légende du colibri et du feu de forêt toussa toussa.

Image qui montre comment rendre des enfants acteurs

Partant de ça, permettre à des enfants d’être acteurs et actrices de leur ACEM, c’est leur donner des billes pour prendre conscience et avancer sur ce chemin qu’est l’apprentissage de la vie avec d’autres. Et leur donner à vivre, même si ce n’est que pour quelques jours, la possibilité de vivre d’une manière un peu différente leur environnement, puisqu’iels peuvent agir dessus.

En se disant que ce qu’iels vivent maintenant, est un reflet de ce qu’iels vivront plus tard dans leur vie d’adulte. Et moi, ça m’intéresse de leur montrer qu’on peut vivre en collectivité ET participer à ce qui se passe dans cet espace collectif.

Récolter les envies des enfants

Première étape et sûrement celle qui est la plus simple dans cet objectif de rendre les enfants acteurs et actrices de leur ACEM : récolter les envies. Cela paraît souvent évident (et tant mieux) quand on est sur ce chemin. Je vous propose de faire un focus sur les activités, car c’est ce qui semble le plus simple quand on parle de rendre acteur le public (même s’il peut aussi être acteur de la vie quotidienne, bien sûr, mais c’est un peu moins évident de prime abord).

Des questions à se poser en équipe

Pour cela je vous invite déjà à vous poser ces quelques questions (l’idéal étant de le faire lors de la préparation du centre). En sachant que la réponse dépend VRAIMENT de ce que vous vous sentez prêt·es à mettre en œuvre, et que c’est ok de commencer « petit » :

  • Sur quelles types d’activités voulons-nous l’avis et l’envie des enfants ? On peut dire que le panel va de l’activité de quelques minutes au projet sur plusieurs jours (avec toutes les variantes entre). NB : Je ne ferai pas ici un point sur la pédagogie de projets, parce que ce n’est pas l’objet et parce que d’autres en parlent aussi très bien. Mais si ça vous intéresse d’avoir un article là-dessus, n’hésitez pas à faire signe !
  • Jusqu’à quel point voulons nous que les enfants participent ? Ça va de la proposition (récolte des envies donc) jusqu’à l’organisation globale du planning d’activités (si, si, c’est possible, promis je l’ai déjà fait, et pas qu’avec des ados), encore une fois avec toutes les variations entre.
  • Quelles sont nos capacités d’action ? Cette question permet d’ancrer les envies dans la réalité du terrain. Par exemple faire un point sur les compétences de chaque personne de l’équipe pour que ce soit le plus clair possible pour les autres. Mais aussi être au clair sur les moyens matériels et financiers à disposition. Ou encore s’assurer que ceux et celles qui ne connaîtraient pas les lieux soient au fait du nombre de salles, de la possibilité d’utilisation etc.
  • Une question pour la direction : comment je rend cette idée lisible dans mon projet pédagogique, mais aussi dans la communication aux familles en amont du centre (parce que si le programme d’activité est ficelé de bout en bout deux mois à l’avance et communiqué… ben forcément, ça marche moyen).
Personnes qui se posent des questions

Boîte à idées (c’est le cas de le dire)

Récupérer les idées de manière informelle. Rien ne vaut une discussion à table et une question (innocente) « vous auriez envie de faire quoi ? » pour commencer sa récolte. Comme j’ai une mémoire de poisson, j’aime bien me trimballer avec un petit carnet (et chaque anim avec qui je bosse en reçoit aussi un en début de centre), histoire de noter dedans ce que j’entends ou récolte de manière informelle, sinon vous pouvez être sûre que j’aurai oublié la moitié d’ici la prochaine réunion.

Mettre en place un mécanisme de « boîte à idées », à tester sous diverses formes. L’idée étant de récolter les idées par voie écrite. La traditionnelle boîte, bien sûr. Avec cette question de : « une seule boîte à un endroit, ou bien plusieurs ? » A voir en fonction de votre espace. J’ai aussi testé le « mur à idées » → les enfants voient ce que les autres ont mis et ça peut leur donner de nouvelles idées, ou iels peuvent indiquer qu’iels sont emballé·es par telle ou telle idée déjà notée. Pour les plus grands, on peut imaginer une boîte à idées en ligne, sous forme d’un formulaire par exemple (comme ça quand iels ont une idée, hop, iels peuvent la poster).

Petit tip bonus : Donnez de l’importance à la boîte pour le groupe. Donnez lui un petit nom, faites la décorer par le groupe, utilisez la comme totem de chambre… J’en parle dans la suite.

Mettre en place des temps de récolte dédiés. C’est-à-dire un moment formel et ciblé là-dessus. Je mets quasiment toujours en place des systèmes de forums dans mes centres (entendez des temps de réunion d’enfant, qui ont divers intérêts et enjeux, mais là n’est pas l’objet) et j’aime bien y intégrer un moment dédié à la récolte de leurs envies. Ce qui marche le mieux pour moi, c’est quand cette récolte est faite lors des forums de chambre, c’est-à-dire en petits groupes (ça marche aussi en ALSH, avec un groupe de référence pour un·e adulte). C’est donc l’anim qui fait remonter les idées.

Anims qui regarde comment rendre les enfants acteurs en leur demandant leur avis

Vous voulez que ça marche ? Faites vivre vos outils !

Qui n’a pas déjà testé la boîte à idées et s’est retrouvé avec… rien ? Levez la main !

Moi aussi, jusqu’à ce que je comprenne ce principe fondamental dont parle bien Mélina dans son entretien (je vous remets le lien ici si jamais) : si vos outils ne servent à rien, ils ne seront pas utilisés par les enfants.

Je vous donne un exemple. Je suis une enfant, le premier jour du centre on me dit qu’il y a une boîte à idées. Soit, mais m’a-t-on bien dit à quoi ça sert et aussi quel en est le mode d’emploi ? Ben oui, c’est un objet « évident » pour les adultes, et sûrement pour certains enfants, mais justement, pour ceux et celles pour qui ça ne sera pas le cas, si on ne prend pas le temps de leur expliquer… iels ne vont pas l’utiliser.

Et si j’ai vaillamment mis une idée dans la boîte le deuxième jour de centre… et que je n’en entends plus jamais parler ? Pour diverses raisons : l’équipe l’a écartée parce que trop farfelue, ou bien l’a tellement mise à sa sauce que je ne me rends même plus compte que c’était mon idée. Eh bien je risque de ne plus vraiment avoir l’envie de mettre une nouvelle idée. Et le prochain centre où il y aura une boîte à idées, je ne prendrai peut-être même pas la peine de mettre une première idée, persuadée que ça ne sert à rien.

Pour que vos outils soient efficients, faites les vivre. Rappelez aux enfants qu’ils existent, prenez la peine de les utiliser vous aussi et n’oubliez pas de mettre en œuvre leurs idées (transition parfaite pour la suite de mon article héhé).

Enfant qui donne son avis

Mettre en œuvre les idées des enfants

C’est l’étape qui suit (logiquement) celle de la récolte : mettre en œuvre les envies. Je refais un cercle avec les questions à se poser au départ en équipe. Si c’est votre envie de prendre en compte les avis des enfants pour les rendre acteurs de leur ACEM, il faut qu’iels le sentent.

Leurs idées doivent être non seulement récoltées mais aussi mises en œuvre. C’est là tout l’enjeu, même. Je ne peux faire qu’appel à votre créativité à cet endroit, car vous seul·es connaissez votre équipe, ses compétences et les moyens à votre disposition. 

Avec une idée vraiment forte : tout est possible. Une des seules limites, ici, c’est souvent notre capacité d’imagination et notre capacité d’adaptation.

Un petit exemple

Une colo de 8-14 ans, il y a quelques années. La mode du moment : le catch. Il y a des cartes avec des catcheurs, les enfants en parlent beaucoup etc. Et paf, voilà une des idées qui sort : faire du catch. Plein d’enfants sont motivé·es, le murs à idées regorge de « +++ » à côté de cette envie posée par un enfant.

Premier écueil : aucune personne au sein de l’équipe n’a de compétences là dedans ni même ne s’y intéresse dans sa vie. On a vaguement la sensation, du peu qu’on en connaît, que ça va être compliqué. Et puis ça vient nous titiller, parce que c’est violent quand même. Mais on avait vraiment envie de prendre en compte leur avis.

Alors dans un premier temps, on dit aux enfants qu’on a entendu leur demande, et qu’on est en train d’y réfléchir. Un anim se renseigne un peu (merci internet) et trouve une vidéo assez accessible qui explique comment ça fonctionne. On découvre qu’en fait il y a une histoire derrière (un gentil et un méchant) et que c’est autant du théâtre que du sport.

Ça nous donne une idée, qu’on propose aux enfants : découvrir les coulisses du catch et en discuter ensemble, tout en leur disant qu’on ne pourra pas en faire directement, parce que cela demande des compétences sportives que ni eux, ni nous n’avons.

Après leur avoir passé cette vidéo, il y a eu une discussion autour et de fil en aiguilles, on en est arrivé à une proposition construite ensemble, à savoir faire du catch avec des peluches.

Avec création d’un ring, d’une histoire, de costumes et au final de matchs filmés avec le matériel du bord. Et pour finir, voilà l’histoire d’une envie déroutante pour les adultes au premier abord, qui s’est transformée en un chouette projet d’enfants sur plusieurs séances. Et en prime un bon souvenir pour moi, ce genre de moment où je sais pourquoi je suis là et à quoi je sers.

Personne qui se demande comment rendre les enfants acteurs de leur ACEM ?

Expliciter lorsque ce n’est pas possible

Alors parfois, il y a des idées impossibles à mettre en œuvre (en tous cas en l’état). Ce qui est important pour moi dans ce cas là, c’est de prendre le temps d’expliquer aux enfants le pourquoi.

Non, on ne peut pas faire du catch, parce qu’on a ni les compétences, ni le matériel adapté. Comme je le disais au départ, c’est aussi l’occasion de faire l’apprentissage des limites d’une envie. Mais aussi de comment être créatif·ves pour l’adapter. Et ça, ce n’est pas nécessairement aux seul·es adultes de le faire. Rien ne vaut le partage et la discussion avec les enfants, plutôt que de leur faire une proposition toute rôtie (et qui, avec un peu de malchance, tombera à plat). Parce qu’iels seront d’autant plus imaginatifs, vu que c’est ce qu’iels ont envie.

Et, oui, dans mon exemple, l’idée de départ ne nous branchait franchement pas en plus, mais ça, ce n’est pas aux enfants de s’y adapter. On n’était clairement pas fan, mais on n’était pas non plus complètement contre, en tous cas il n’y avait pas assez d’arguments pour rejeter l’idée en bloc. Et notre objectif, c’était de les rendre acteurs et actrices de leur séjour, alors on a dépassé nos appréhensions pour au moins creuser l’idée. C’est pour cela que ce genre d’objectifs nécessitent que l’équipe au complet ait envie d’aller dans ce sens là, parce que ça nécessite souvent de sortir de sa zone de confort.

Est-ce vraiment suffisant pour les rendre acteurs et actrices ?

Dans cet article, je vous ai parlé de récupérer et mettre en œuvre les envies des enfants concernant les activités. Est-ce que c’est suffisant pour parler de « rendre les enfants acteurs et actrices » ?

Pour moi c’est le premier pas, mais on peut aller largement plus loin. Il y a non seulement les activités, mais aussi tout le reste de la vie du centre sur lesquels ils peuvent avoir des envies d’agir.

Et l’étape suivante, c’est de prendre des décisions ensemble sur l’organisation du centre. Je garde ce sujet sous le coude, parce qu’il m’intéresse aussi beaucoup et qu’il est pour moi la suite logique de ce dont je vous ai parlé ici. Du coup je vous écrit bientôt un article là-dessus ! 

Enfants acteurs de leur ACEM

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Sources des images : unDraw

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