Adopter le rôle de cuisinière alors qu’on a été embauchée en tant qu’animatrice, gérer l’administration des séjours avec un contrat de coordinateur ou coordinatrice de terrain ou encore remplacer la lingère sur un séjour gastro quand celle-ci tombe malade aussi… Si, comme moi, tu t’es déjà retrouvé·e dans une situation où on te demande de faire autre chose que ce pourquoi tu as signé, sur quelques heures ou quelques mois, cet article est fait pour toi.
Le contrat de travail et la fiche de poste formalisent la relation entre l’employeur et la personne salarié·e mais il n’est pas toujours facile de les faire respecter. Mais doit-on pour autant tout accepter ? Dans quelles conditions l’employeur peut-il modifier les tâches assignées ?
Quand les missions ne correspondent pas à la fiche de poste : le point sur la question d’un point de vue légal et quelques conseils sur la situation.
A noter : Cet article a été écrit à partir de mes expériences et celles de mes collègues dans le monde de l’animation. Bien qu’il puisse aussi se décliner aux autres environnements de travail, si tu as des litiges avec ton employeur, des questions sur tes droits en tant que salarié·e, sur les devoirs de ton employeur et des solutions pour régler les conflits, je t’invite à aller chercher de l’aide grâce aux recours possibles. Tu trouveras quelques liens à la fin de cet article.
Au sommaire de cet article
La fiche de poste : un outil de communication
La fiche de poste est avant toute chose un outil de communication. Celle-ci a un double objectif au moment du recrutement : pour le ou la salarié·e, c’est de connaitre précisément les missions à réaliser et les prérequis exigés. Pour l’employeur, c’est d’encadrer le rôle et les missions, et ce de manière non exhaustive.
La fiche de poste concerne tous les types de contrat et elle doit tenir compte de l’environnement de travail et des missions confiées. Sans valeur juridique, elle n’est pas obligatoire. En effet, seul le contrat de travail est valable d’un point de vue légal. Parfois, il y a également une liste de missions annexée à la fiche de poste.
Alors quand les missions réelles diffèrent de la fiche de poste et de la liste de missions initialement convenues, c’est généralement dû à deux situations :
- Une mauvaise communication, intentionnelle ou non, en amont de la prise de poste
Par exemple, ne pas mentionner que le séjour se fera 3 semaines en tente où est attendu de toi le montage et démontage de tente, et de manière quotidienne la mise en route d’un feu de camp, est un manque sérieux à la communication avant la prise de poste (ici, certains doivent se dire que oui, c’est évident qu’il faut le mentionner, et pour d’autres pas du tout car cela va de soi, et c’est bien de là que part d’un mauvais pied la communication d’avant prise de poste).
- Des circonstances imprévues où le contexte de travail change en cours de contrat
Par exemple, une épidémie de gastro qui force une partie de l’équipe pédagogique à enchainer les lessives toute la journée, ou bien un·e collègue qui tombe malade et qui doit être remplacé·e dans ses tâches essentielles.
Les conséquences de faire d’autres tâches que celles prévues peuvent avoir un impact positif si c’est dans le bon sens, que tu prends du plaisir à les faire, voire même que tu découvres une autre facette de toi-même.
Par exemple, une situation où le directeur, la directrice, tombe malade et on te demande de coordonner le séjour de manière temporaire jusqu’à ce qu’iel se remette : avec plus responsabilités, tu peux ainsi te découvrir une âme de directeur ou de directrice et développer des compétences. Peut-être que cela t’inspirera par la suite…
A contrario, les conséquences peuvent aussi emmener leur lot de frustration car en effet, dans ce même exemple, si tu as postulé pour être animateur, animatrice, et être avec les enfants dans les activités et la vie quotidienne, ce n’est pas pour passer du temps à réfléchir à la menée de la réunion du soir ou l’organisation logistique de la prochaine excursion.
Mais que dit la loi ?
L’employeur peut-il modifier les tâches assignées ?
La réponse courte est oui, tant que les nouvelles tâches confiées correspondent à la qualification de la personne salariée. En effet, la signature d’un avenant au contrat est obligatoire seulement lorsque cela touche à un changement de qualification du salarié·e.
Cette personne peut donc se voir confier des tâches supplémentaires, voire différentes, se voir ajouter ou retirer des responsabilités, dès lors que ces modifications n’ont aucune incidence sur sa qualification ou sa rémunération.
Doit-on alors tout accepter ?
Du point de vue de l’employeur, le droit du travail n’impose aucune procédure sur l’acceptation du salarié à ce changement de tâches. Si ce dernier refuse de les appliquer, cette opposition peut équivaloir à une faute pouvant être suivie d’une procédure de licenciement.
Mais si les modifications des attributions a pour conséquence le changement de qualification du salarié·e, celui-ci peut exiger une requalification de son poste, ou bien refuser ses nouvelles tâches sans que son refus ne soit constitutif d’une faute.
L’employeur ne pourra pas non plus reprocher à la personne salarié·e les erreurs qu’iel commet dans son travail, si les tâches qu’iel effectue ne relèvent pas de sa qualification.
Sachant cela, on peut alors questionner les limites et l’application concrète de cette loi, surtout dans le domaine de l’animation :
- Qui ou quoi définit le passage d’une qualification à une autre, autre que la nécessité d’un diplôme ?
- Quand est-ce que l’on passe d’une qualification à une autre ? Quand est-ce que l’on sait si l’on passe d’une qualification à une autre ?
- Si plus de responsabilités est en jeu (comme l’exemple d’un animateur, d’une animatrice, qui passe directeur, directrice, au milieu du séjour), comme aborder le changement de rémunération avec l’employeur ?
Du concret et des conseils
La fiche de poste dans l’animation
Comme la fiche de poste n’a pas de valeur juridique, si une tâche demandée n’est pas listée à la fiche de poste, celle-ci peut être considérée comme une tâche annexe.
Mais dans le monde des séjours de vacances, les missions annexes peuvent être nombreuses, parfois pas tout à fait temporaire et jusqu’à noyer la mission première inscrite dans le contrat de travail : il est en effet rapide d’accepter beaucoup plus choses que dans un autre contexte.
Nous sommes dans un environnement où une communauté doit vivre ensemble dans des espaces communs propres – ce qui implique de nettoyer tous les jours, qui doit se nourrir – ce qui implique de cuisiner tous les jours, qui doit être en sécurité.
C’est un équilibre qui fonctionne grâce au bon déroulement de toutes les parties. Quand un maillon de la chaine ne peut plus assurer, il faut donc le remplacer au plus vite et avec les personnes sur place.
Et de là vient le fait qu’on peut tous être amené à faire un travail qu’on n’aurait jamais imaginé faire dans un autre contexte, comme cuisiner pour 60 personnes ou conduire un bus.
La fiche de poste dans l’animation est très (trop) large. On peut souvent lire, entre autres :
- « Assurer la sécurité physique et morale des mineurs »,
- « Participer à la mise en œuvre d‘un projet pédagogique »,
- « Encadrer et animer la vie quotidienne et les activités de l’ACEM »,
- « Et toutes les tâches qui pourraient incomber pour le bon fonctionnement des séjours »
Mais qu’est-ce que cela veut dire concrètement jour après jour ? Comme tout dans la vie, chacun a un point de vue différent sur chaque chose. Est-ce que l’encadrement de la vie quotidienne veut dire simplement la surveillance des douches pour les uns, et la gestion des insomnies et des accidents de literie pour les autres ?
Ainsi cela questionne ce que doit apparaitre sur la fiche de poste : à quel degré de détail doit-on aller ?
Il serait logique de lister le plus de détail possible sur ce qui pourrait se passer dans la journée mais comme tout un chacun le sait, c’est impossible car nous ne pouvons pas anticiper les accidents, les maladies, les personnalités des enfants, des animateurs, de l’équipe technique, la météo, …
Cependant, je reste persuadée qu’il y a une marge de progression à faire sur la rédaction des fiches de poste, pour au moins prétendre avoir une communication complète avant le début du contrat.
Alors avis à tous les recruteurs, voici une liste non exhaustive des notions à formuler dans la fiche de poste :
- Intitulé du poste
- La position dans l’équipe, l’effectif de l’équipe, l’effectif des enfants
- Environnement et conditions de travail
- Lieu du travail et déplacements possibles
- Conditions d’hébergement et matériel requis le cas échéant
- Gestion du temps de repos et des congés
- Conditions d’engagements (salaire, type de contrat, …)
- Spécificités du contrat (thème…) et les prérequis demandés le cas échéant
- Description des missions et activités (fréquence et importance)
- Lister les missions dans les grandes lignes des postes de l’animation
- Lister aussi les missions spécifiques liées au séjour/au contrat
- Difficultés du poste : indiquer toutes les informations en votre possession au moment de la rédaction de la fiche de poste qui pourrait impacter la fonction, par exemple :
- Indiquer si la future recrue peut être amenée à remplacer un autre poste si nécessaire, si elle sera amenée à se lever la nuit
- Indiquer si la part de ménage et rangement sera plus importante, lié au protocole COVID
- Relations avec les autres postes, avec l’équipe technique, avec l’équipe de direction, avec l’organisateur
Les petits tips
Avant l’embauche, un entretien : ça va dans les deux sens !
Un entretien d’embauche est une étape pour le recruteur de cerner son ou sa futur·e employé·e, mais il ne faut pas oublier que c’est tout aussi important pour cette personne afin de se faire une idée exacte du poste et des conditions de travail.
Seulement, quand je passais des entretiens pour le poste d’animatrice en séjours, c’était bien souvent une conversation de téléphone de 15 minutes dans lesquelles je ne posais pas beaucoup de questions. Si j’avais pris le temps d’éclaircir certains points, cela m’aurait évité bien des déconvenues…
Un séjour adulte en gestion libre où l’équipe tourne ? Au téléphone, aucun problème ! C’est seulement quand on me demande, la veille du début du séjour, quel est mon menu de mardi prochain que je comprends que nous allons TOUS tourner sur TOUTES les tâches du séjour en gestion libre (cuisine, ménage, animation, vie quotidienne). Bien sûr, rien d’écrit ni dans le contrat ni dans la fiche de poste.
Alors je t’invite à prendre le temps, à poser autant de questions que nécessaires à la bonne compréhension du poste pour lequel tu postules, à interroger les mots ou les expressions que tu ne comprends pas, même si ton interlocuteur·trice semble pressé·e.
Avis à tous les futurs animateurs, animatrices, directeurs, directrices, voici une liste non exhaustive de questions à poser lors de ton entretien :
Pour les futur·es animateurs, animatrices :
- Quelle est la taille de l’équipe ? Quel est l’effectif du groupe ?
- Comment vont tourner les journées de repos ?
- Quelles sont les conditions d’hébergement ?
- Quel type de public ?
- Y a-t-il du temps dédié à la préparation des activités dans la journée type ?
- Y a-t-il du matériel spécifique à emmener ?
- A quel point serais-je impliqué·e dans la rédaction du projet pédagogique ?
- Y a-t-il des déplacements à prévoir ? Si oui, à quelle fréquence ?
- Quels types de profil sont déjà embauchés dans l’équipe ?
- Pouvez-vous m’envoyer le projet éducatif ?
- Qu’en est-il du temps de préparation avant le séjour ?
- Comment se déroule une journée type ?
- Serais-je en relation avec les parents ?
Pour les futur·es directeurs, directrices :
- Comment l’organisateur se rend disponible au cours du séjour ? Quels sont les moyens de communication possible avec le bureau ?
- Pouvez-vous m’envoyer le projet éducatif ?
En poste : rectifier le tir
Si tu n’es pas à l’aise avec les nouvelles tâches assignées pendant le poste, que ce soit dû à un changement d’environnement ou un manque de communication avant la signature du contrat, il est encore temps de rectifier le tir avec un seul mot d’ordre qui résout 95% des choses : la communication.
Il va falloir alors prendre ton courage à deux mains pour demander à parler à ton supérieur/directeur/directrice/manager/coordo/etc. et lui expliquer en quoi tes nouvelles missions ne te conviennent pas. Ce n’est pas forcément un exercice facile pour tout le monde, mais tu verras que tu en sortiras plus serein·e.
Bien sûr, dans le milieu du travail, quand on parle de modifier ses tâches ou une procédure, ou quand on soulève un problème, il faut toujours réfléchir d’abord à la solution possible. Poser le problème à son supérieur·e avec déjà une solution réaliste en tête, passera beaucoup mieux que d’aller le ou la voir bille en tête avec une liste de revendication sans remède.
Par exemple, si le directeur, la directrice, te demande de cuisiner pour tout le groupe et que tu es à l’aise aux fourneaux dans ta cuisine mais beaucoup moins dans celle d’une collectivité, tu peux déjà observer autour de toi qui serait mieux placé·e pour endosser ce rôle : tu peux même déjà en parler à ton ou ta collègue qui semble plus à l’aise et aller ensuite voir le directeur, la directrice, pour proposer un changement de rôle.
Toujours prendre soin de soi
Enfin, le maître-mot est de prendre soin de soi. Comme évoqué plus haut, il est facile de faire autre chose que ce pourquoi on a été embauché·e, notamment à cause de l’environnement dans lequel on travaille. Cependant, il faut faire attention à ne pas en faire trop et s’oublier en route.
Les circonstances si particulières liées au COVID n’aident pas, surtout le fait de devoir remplacer au pied levé les personnes qui doivent s’isoler.
Pour ma part, j’ai beaucoup (trop) accumulé de tâches sur la dernière saison, et cela m’a conduit jusqu’à être arrêtée en pleine semaine, raccourcir mon contrat, et faire une pause dans l’animation pendant quelques temps.
L’accumulation des casquettes peut être bénéfique si c’est fait avec parcimonie et sur la base du volontariat mais cela peut aussi être destructeur quand on est au pied du mur et sans recul sur les situations.
Si c’était à refaire, je pense que la première chose serait d’essayer de lâcher prise sur toutes les choses que ne sont pas essentielles. Ensuite, ce serait d’accentuer la communication avec l’organisateur, tirer la sonnette d’alarme plus tôt pour pouvoir peut-être obtenir les moyens humains et techniques nécessaire avant de se les ajouter à soi.
Alors, à tous ceux qui empilent les missions comme moi : entraine-toi aussi à dire non et à communiquer… Cela pourrait entrainer un changement de vent sur un séjour qui ne tourne pas dans le bon sens !
Pour Aller plus loin
Pour les futur·es salarié·es, comment réussir son entretien avec cet article de Vitacolo
Pour les recruteurs, comment rédiger une fiche de poste avec Pôle Emploi
Pour les salarié·es en détresse, se tourner vers :
- Le service des ressources humaines de ton lieu de travail
- La médecine du travail
- Le conseil des prud’hommes
Et toi, as-tu déjà eu des tâches à faire qui n’était pas dans ta fiche de poste ? Si oui, comment as-tu géré cela ? N’hésite pas à nous partager ton expérience en commentaire ou sur notre chaîne Telegram !