De l’intérêt de la conférence gesticulée dans le rôle formateur du directeur et de la directrice.

Une des fonctions de direction que j’ai découverte en passant mon BAFD a été le rôle formateur que j’allais avoir à mettre en œuvre. Je vous avoue qu’à ce moment-là, je n’en ai pas mené très large. Moi, former les équipes que j’allais diriger ? Sur quoi, comment… quand ? Bon heureusement, la session de formation que je suivais à ce moment-là m’a permise de commencer à répondre à ces questions, et même jusqu’à me donner envie de devenir formatrice (mais ça, c’est une autre histoire).

A partir de cette découverte du rôle formateur, je n’ai eu de cesse de chercher de nouveaux outils, de nouvelles formes, de nouveaux supports. Je continue à le faire aujourd’hui, car je ne vous cacherai pas que cela me passionne. Choisir le bon outil, adapté aux personnes qu’on a en face de soi, « taper juste », a quelque chose de jouissif. Je pourrais en parler des heures, et faire l’éloge de nombreux outils. Mais pour ne pas tout mélanger, j’aimerai aujourd’hui vous partager mon ressenti personnel sur la conférence gesticulée.

Où on ne peut taire le nom de Franck Lepage

Au risque de vous surprendre (ou pas ^^), comme beaucoup de gens, j’ai découvert les conférences gesticulées en regardant celles de Franck Lepage, Inculture(s) 1 (sur l’Éducation populaire) et Inculture(s) 2 (sur le système éducatif français). Cela a concordé plus ou moins avec ma formation BAFD et cette fameuse question sur le rôle formateur.

Quand j’ai découvert ses conférences (ce qui suit va sûrement malheureusement contribuer à faire gonfler ses chevilles), je suis restée accrochée, du début à la fin. Je n’ai même pas vu passer les trois, quatre, cinq heures consécutives… (ouais, on vous avait pas dit, Lepage il adore parler… je sais pas comment il fait pour tenir).

De nature attentive, je fais partie de ces élèves qui ont aimé écouter les profs parler (enfin, quand eux-mêmes étaient intéressés par leur cours). Découvrir un spectacle vivant, qui mélangeait de l’humour et autant de savoirs, partagés avec tant de générosité, a donc été vraiment enthousiasmant pour moi.

J’y ai tout de suite vu un potentiel énorme dans la possibilité de partager des savoirs sans endormir tout de suite mon auditoire. A ce moment-là, j’étais également en pleine construction de ma définition personnelle de l’Éducation Populaire. Je pense pouvoir dire que cet outil incarne vraiment ce qu’est l’éduc’ pop’ pour moi : du savoir accessible au plus grand nombre.

La spécificité des conférences gesticulées : mélanger savoirs théoriques et expériences personnelles

Comme la définit Laurence dans son entretien, la conférence gesticulée est un spectacle politique qui mêle savoirs issus des sciences humaines et sociales mais aussi le savoir « expérientiel » de l’auteur / autrice (savoirs liés au vécu). Ces deux types de savoirs sont traités de manière égale : l’un des deux n’est pas considéré comme supérieur à l’autre. Ils se construisent ensemble. Premier grand intérêt donc : pour une fois, le savoir théorique n’est pas le roi du monde… et, ça peut paraître simpliste, mais ça change tout. Parce que du coup, dans mon rôle formateur, je peux aussi me baser sur mon expérience personnelle.

« Mon expérience peut s’expliquer ou peut trouver un écho dans les savoirs théoriques, et je peux illustrer le savoir théorique des sciences humaines et sociales avec mon expérience. » – Laurence Reeb

Partager ainsi son expérience personnelle permet aux spectateurs et spectatrices de mieux s’identifier à celui ou celle qui parle, et par extension de mieux intégrer le savoir théorique partagé (puisqu’il fait écho à une expérience personnelle). En fonction des sujets traités, cela fait parfois écho à notre intimité.

Une autre manière d’apprendre, ce qui aide le rôle formateur

Malgré son côté descendant (une seule personne parle à d’autres qui l’écoutent), la conférence gesticulée sort d’un processus d’apprentissage classique. Comme un cours, elle se propose comme le lieu de transmission de savoirs. L’auteur ou l’autrice a le temps et l’envie de lire des livres, de collecter des savoirs. Et iel a l’envie de les transmettre. Comme un·e professeur·e, me direz-vous. Oui, mais, encore une fois, avec cette grande différence que la conférence gesticulée reconnaît l’importance du vécu personnel.

« Pour moi, un savoir s’inscrit vraiment en nous quand il a un sens et notamment parce qu’on le fait sien. Et une des manière c’est aussi de se reconnaître dans ce savoir et pour moi c’est ce qui permet de mémoriser des choses. » – Laurence Reeb

L’idée d’une conférence gesticulée est de sortir du dogmatisme : on doit y voir les propres contradictions des auteurs / autrices. Montrer ses propres failles évite de dire « c’est comme ça qu’il faut faire ». Et du coup cela est tout de suite plus confortable pour les personnes à l’écoute, car elles ne se sentent pas jugées par rapport à ce qu’elles font elles-mêmes.

« Moi je ne dis pas « c’est comme ça qu’il faut faire », je dis « je fais comme ça », parfois ça marche et parfois ça ne marche pas. » – Laurence Reeb

Un outil qui incarne l’Éducation Populaire

Un autre aspect qui m’intéresse dans cet outil, c’est son aspect politique. Je prends comme définition de « politique » sa dimension étymologique, à savoir « participer à la vie de la cité ». Avec cette acception, on peut voir que tout geste, tout choix, tout acte est donc politique. Et, quand je suis dans mon rôle formateur en tant que directrice, que je le veuille ou non, je fais du politique.

Sur cette question, donc, le but d’une conférence gesticulée est clair : à la fois mettre en lumière des rapports de domination, mais aussi donner des clés pour agir, petits moyens d’action utilisables au quotidien. Se dire qu’on ne subit pas seulement, mais qu’on peut faire de petites choses.

Je suis l’ardente défenseuse de notre capacité à agir, d’une manière ou d’une autre, sur notre environnement au sens large. Écouter des femmes et des hommes partager des anecdotes et des idées d’outils est donc d’un intérêt énorme pour alimenter sa propre réflexion, prendre du recul sur ses actions et se donner de l’énergie les jours où c’est plus compliqué.

Un outil simple d’usage : que demander de plus?

Mon expérience de formatrice m’amène à considérer qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’apprendre, mais qu’elles sont multiples. A nous, dans nos fonctions formatrices, d’essayer d’utiliser les outils les plus adaptés à notre public.

Pour finir cet article, je dirai que ce que je trouve également chouette et pratique dans cet outil (et qui renforce d’autant plus sa caractéristique « éduc’ pop’ »), c’est que la plupart des conférences gesticulées sont disponibles en visionnage gratuit sur internet. Il est donc aisé d’en extraire les éléments les plus pertinents pour faire réfléchir une équipe ou un groupe de stagiaire sur un sujet donné. J’utilise régulièrement des extraits de conférences gesticulées comme starter à un temps de réflexion. Juste des petits morceaux pertinents, qui permettent de lancer le débat. Simple comme outil, non ? Utile dans le rôle formateur, en plus ! Et qui, avec un peu de chance, donneront envie aux personnes d’aller plus loin et de prendre le temps de regarder des conférences gesticulées (le site de référence est par ici, vous y trouverez un certain nombre de « gesticulant·es » avec leurs spectacles).

Voire même d’aller y assister en vrai, car il ne faut pas oublier que nous sommes avant tout face à un spectacle vivant, qui de plus s’enrichit d’informations et d’anecdotes au fur et à mesure de son existence (Laurence l’explique très bien dans le podcast, je vous remets le lien ici). Pour avoir eu la chance de voir Franck Lepage (encore lui, comme ça la boucle est bouclée avec le début) en chair et en os jouer sa conférence (que je connaissais presque par cœur je crois ^^)… ben, j’avoue, j’ai été encore plus bluffée que de voir les vidéos. Et ça ne vaut pas que pour lui, pour ceux et celles que j’ai pu voir en live et en vidéo, ça m’a fait à chaque fois le même effet. Ça, c’est la magie du spectacle vivant…

A bon entendeur, salut ! ☺

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