En tant que directrice ou directeur d’ACEM, on a tous et toutes cet idéal : réussir à fédérer notre équipe. Dans le centre de rêve, chaque personne est motivée à toute heure du jour, fait son boulot de manière optimale, les enfants sont plus qu’heureux de venir, ne veulent plus repartir, on est un vrai espace d’éducation etc.
La bonne nouvelle ? Eh bien c’est possible ! Si, si, promis.
La mauvaise nouvelle ? Ça ne se fait pas par magie tout seul. Bon c’est seulement une demi mauvaise nouvelle, parce que vous avez le pouvoir d’agir là-dessus, quel que soit votre type de centre et ses contraintes.
Il vous appartient de mettre en place des éléments pour favoriser la dynamique de votre équipe. Alors, comme toujours, j’apporterai une nuance : vous êtes une équipe. Donc tout ne repose pas sur vos épaules de directrice ou directeur. Mais vous serez l’impulsion à la dynamique qui va exister au sein de votre équipe. Le piston qui lance le moteur.
Cette idée d’article m’a été inspiré par les questions posées à Julien dans son entretien de la semaine dernière. Si vous l’avez raté, c’est par ici que vous le retrouverez.
Un article en deux parties
Pour vous offrir les conseils les plus appropriés pour fédérer une équipe, j’ai décidé de sortir de ma simple expérience personnelle. Mon idée aujourd’hui a été de rassembler plusieurs retours d’expériences de directeurs et directrices ayant des parcours variés. Je remercie Mel, Christine & Hugo pour leurs apports précieux !
Et du coup, quand j’ai commencé à rédiger, je me suis rendue compte que ça faisait beaucoup de contenu. Du coup, pour que ce soit un peu plus digeste, j’ai décidé de scinder cette liste de conseils en deux parties.
La liste des conseils pour cette première partie (cliquez sur l’un d’eux pour vous rendre directement dessus) :
- Préalable : adapter tout conseil à votre réalité
- Prendre en compte chaque personne dans son intégralité
- Mettre en place des moments conviviaux
- Jouer ensemble
- Créer des espaces de paroles / être dans l’écoute
- Trouver sa (juste) place
Préalable : adapter tout conseil à votre réalité
Avant de commencer la liste en tant que telle, je voudrais vous en donner le « mode d’emploi ». J’ai essayé d’être la plus claire possible, et de vous donner des exemples concrets. Je voudrais simplement que vous ne perdiez pas de vue deux éléments importants :
- N’essayez pas de prendre tous les conseils et de les appliquer. L’idée de cette liste est de donner plusieurs directions et pistes d’idées pour vous permettre de piocher dedans.
- Adaptez ces conseils à votre situation.
C’est-à-dire (et presque comme d’habitude), prenez ces idées et passez-les par votre filtre : quel est votre contexte ? Votre type de centre ? Comment est composée votre équipe ? Quels sont les caractéristiques de vos anims ? Etc.
Parce que dans nos métiers particulièrement, utiliser une idée ou un concept et NE PAS L’ADAPTER aux caractéristiques de notre centre, c’est au moins une chance sur deux pour que ça rate (ou que ça ne soit pas complètement satisfaisant). Je crois que je ne dirai jamais assez que ce qui compte en tout premier, c’est de prendre en compte ce qui vous entoure.
Plus vous serez calibré·es (je dois aimer ce mot, hihi, je l’ai déjà utilisé pour parler des objectifs, si vous avez raté cet article il est par là), plus ce sera adapté et plus vous avez de chance que ça fonctionne.
Prendre en compte chaque personne dans son intégralité
Chaque personne qui compose votre équipe (vous-même inclus·es) est un·e individu·e à part entière. Alors ça peut paraître bateau, mais c’est une réalité qui est rarement prise en compte. Quand je dis « individu·e à part entière », pour moi cela signifie : avec son vécu, son expérience, son quotidien, sa charge mentale, ses compétences, ses envies, ses centres d’intérêts, ses faiblesses, ses difficultés, ses qualités, ses défauts etc. Les multiples facettes dont chacun et chacune d’entre nous est composé·e. Cette complexité qui fait l’intérêt de l’être humain mais aussi toute la difficulté des relations.
Alors, bien sûr, l’idée n’est pas de rentrer dans des relations intimes avec chaque personne. On reste dans un cadre professionnel, je ne suis pas en train de dire qu’il faut devenir ami·es avec ses anims. Mais c’est, « simplement », réaliser qu’on travaille avec des personnes qui ont une vie, des enjeux etc. Bref, pas uniquement leur taf dans un ACEM quoi.
Creuser pour apprendre à les connaître un peu mieux, c’est la première pierre pour poser un climat de confiance. Cela permet de prendre le recul nécessaire pour se dire « si cette personne ne fait pas cela comme on avait dit qu’on ferait, ce n’est pas nécessairement parce qu’elle ne le veut pas, mais peut-être parce qu’elle ne le peut pas, à ce moment-là. »
Pour donner un exemple concret, j’ai perdu mon grand-père alors que j’étais en colo. Il était malade, je savais qu’il n’en avait plus pour longtemps et je m’étais arrangée pour partir en séjour à proximité, j’avais vu avec la direction pour prendre un congé le jour où il serait enterré (elle était donc au courant de la situation).
On peut dire que cela s’est passé « au mieux ». Cependant, le jour où j’ai appris qu’il était décédé et le jour de l’enterrement, je n’étais pas dans mon assiette… et la relation que j’ai pu avoir avec les adultes et les enfants était forcément différente de d’habitude. Et sans être dans une situation aussi spécifique, on est tous et toutes impacté·e par notre quotidien « hors travail ».
Mettre en place des moments conviviaux
J’espère que celui-là vous paraît déjà évident, parce que j’ai envie de dire « c’est la base». J’irai presque jusqu’à affirmer que c’est une des choses qui fera la différence entre venir bosser parce qu’il faut bien manger et venir bosser avec envie.
Alors ce n’est pas non plus une recette magique, comme d’hab’, et l’idée ce n’est toujours pas de devenir potes avec ses anims (on appelle cela du copinage). Mais cela part du principe que si je connais une personne, j’aurai plus envie de l’aider et/ou je serai plus tolérant·e en cas de défaillance (ça vaut réciproquement).
L’objectif de tout ça, au fond, c’est de créer des liens entre les personnes. Parce qu’on n’est pas des boîtes de petits pois, parce qu’on travaille avec et pour de l’humain, parce que si venir travailler au centre c’est aussi pesant que d’aller à l’usine, il n’y a pas vraiment d’intérêt. Et qu’on a la possibilité (vraiment, j’y crois très fort) de créer des relations différentes avec nos collègues. Plus profondes, plus vraies.
L’avantage de cet axe là ? Eh bien il peut se faire à plein de petits moments. Alors, oui, ce qui paraît le plus évident c’est de proposer des moments hors boulot type restau, boire un coup et cie (compliqué en ce moment me direz-vous). Cela peut s’exprimer à plein de petits moments dans une journée.
Là je fais appel à votre imagination : comment faire pour rendre tel ou tel moment/espace convivial pour mon équipe (voir le public accueilli en même temps) ? Par exemple, des boîtes aux lettres positives (1 enveloppe par personne, avec son nom écrit dessus, collée sur un mur) où chacun·e peut mettre des petits mots aux autres…à condition qu’ils soient positifs. On l’emporte et on l’ouvre chez soi à la fin de la semaine. A faire juste en équipe ou avec les enfants.
Jouer ensemble
Ce qui est très chouette, c’est qu’on a un outil magique à disposition dans la branche de l’animation : le jeu. Et par rapport à d’autres branches, il est beaucoup plus évident et plus facilement accepté. Je pourrais écrire des kilotonnes sur ses intérêts, mais je vais garder ça pour un autre article et résumer ce qu’il permet :
- Se découvrir autrement en passant un moment agréable.
- Créer des liens entre les personnes.
- Pour une personne qui observe comment ça se passe (vous en tant que dir, au hasard), une mine d’informations précieuse sur les comportements de chacun·e.
- En bonus, former les anims en leur apprenant de nouveaux jeux / permettre de mettre en place de l’échange de pratique.
Est-ce que vous avez déjà testé ? Sinon, je vous y invite fortement ! Si c’est possible d’organiser des vrais temps de formation (entendez, un moment avec vraiment du temps disponible) tant mieux. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez commencer vos réunions avec un jeu de dix minutes, ça marche aussi.
Pour illustrer ce que je viens de dire, un petit exemple concret. Un séjour de vacances, quatre anims, une directrice (moi). Je connais déjà un anim car j’ai bossé avec lui l’année passée. Il m’a proposé une autre anim, qu’il connait bien (que j’ai engagée). De mon côté, je connais un deuxième anim, je n’ai jamais bossé avec lui mais c’est un ami et il faisait son stage pratique. Et la dernière anim, eh bien personne ne la connaît, je l’ai engagée parce qu’elle a son SB. Si je résume : deux paires d’ami·es et une personne « seule ». L’enjeu pour moi ici : réussir à ce que chacun·e entre en relation avec ceux et celles qu’elle ne connaît pas (parce que c’est toujours plus simple de rester avec les personnes qu’on connaît déjà). Fédérer tout ce beau monde en une équipe, quoi.
Ma proposition : en réunion de préparation, après les présentations d’usage, je leur propose de résoudre un casse-tête ensemble. Un casse-tête humain, où iels sont accroché·es par paire avec une ficelle et doivent se détacher l’un·e de l’autre. Moi de mon côté, je me place en observatrice, pour apprendre à mieux les connaître en les observant. Un moment fun et qui, je crois, a porté ses fruits !
Créer des espaces de paroles / être dans l’écoute
Quand vous êtes insatisfait·es de quelque chose, vous avez envie d’en parler. Un principe relativement universel. Je ne sais pas si vous avez déjà fait cette expérience de déposer un truc lourd que vous aviez sur le cœur. Une fois déposé, ça va déjà mieux, c’est sorti.
Quand vous dirigez une équipe, ce principe s’applique également. S’il existe des espaces de dépôt des doléances, si j’ai le sentiment d’être écouté·e (et pas seulement vaguement entendu·e), j’aurai plus envie de m’impliquer.
Créer des espaces de paroles, cela permet, entre autre, d’augmenter l’implication des personnes. Si je suis écouté·e, je me sens valorisé·e, pris·e en compte. J’ai plus envie de participer au projet et d’y mettre mon énergie.
Personnellement, j’apprécie particulièrement les espaces de discussion en petits comité, genre deux, trois personnes max. Du coup, je provoque des « rendez-vous solo » avec les anims : par exemple en proposant à un anim qui fume d’aller avec lui ou elle. Ou bien je me pose avec un·e anim pendant la surveillance d’un couloir le soir en colo. Quand il y a moins d’enfant en fin d’après-midi en ALSH, j’en profite pour discuter avec une personne. J’essaye de discuter régulièrement avec chaque personne de l’équipe (sans en oublier).
Ces petits rendez-vous sont l’occasion pour moi de savoir comment la personne va en ce moment. Si le centre se passe bien pour elle. Ce qui fonctionne bien et ce qu’elle voudrait améliorer. Son point de vue sur une situation précise. De montrer que je suis présente, simplement, en prenant en compte son vécu.
Dans ces moments-là, j’essaye vraiment d’être dans de l’écoute active parce que ce qui m’intéresse, c’est vraiment l’avis de l’anim’ avec qui je discute.
Trouver sa (juste) place
Pour finir cette première liste de conseils, je voudrais vous proposer de vous interroger sur votre place de directeur ou de directrice.
Un concept avec lequel je me suis beaucoup (dé)battue, c’est la notion de hiérarchie. Je défends le principe d’horizontalité bec et ongles. Je ne conçois pas de prendre des décisions pour les autres, qui doivent « simplement » les appliquer. Cette notion d’implication de tout le monde dans le projet de centre est donc primordiale pour moi.
Et je continuerai de le faire, parce que ça du sens pour moi. Mais je me suis aussi rendue compte que, même si j’en avais très envie, je ne pouvais pas gommer complètement cette notion de hiérarchie. De facto, je n’ai pas les mêmes responsabilités que les anims, ni la même place dans l’équipe, ni le même travail au final.
Concrètement, cela signifie être en capacité de s’éclipser des moments conviviaux, parfois, pour laisser les anims être entre eux. Refuser d’aller boire un verre un soir en ALSH. Plutôt aller se coucher que de jouer avec eux après la réunion du soir en colo. Alors parfois, hein, pas toujours.
Trouver un équilibre entre présence (pour créer des liens) et absence. Générer, même si les anims n’en ont pas conscience, des espaces où vous n’êtes pas présent·es, pour leur permettre de parler de vous s’iels en ont besoin. Parce que la hiérarchie, dans l’organisation actuelle des ACEM, existe, et qu’on ne peut pas la gommer d’un coup de baguette magique.
En conclusion de cette première partie
J’ai essayé de diviser les conseils en deux séries : une plus généraliste et une série plus tournée vers la notion de projet. C’est cette dernière que je vous proposerai dans quinze jours, avec notamment les notions suivantes (je ne l’ai pas encore écrite, du coup peut-être que ça évoluera encore un peu d’ici là) :
- Permettre à chacun·e de s’approprier le projet et de donner du sens à ce qu’iel fait
- Définir clairement la place de chaque personne au sein du projet
- Permettre à chaque personnes de se sentir valorisée
- Clarifier la notion de responsabilité collective
- Créer des rituels
- Se réinventer
A dans quinze jours !
J’ai décidé d’ouvrir la possibilité de laisser des commentaires sous l’article, alors n’hésitez pas à vous en servir pour me faire des retours. Il est aussi possible de donner votre avis sur l’article dans le canal Telegram de Parlons Péda.
Bonjour,
Pour créer une cohésion dans une équipe qui travaillait déjà l’année ensemble mais qui rencontrait des difficultés, l’été de mon stage direction en BPJEPS, j’ai mis en place le jeu de l’ange gardien. À une réunion de préparation, je leur avais donné un portrait chinois à remplir ( ma couleur préférée, mes passions, ce que j’aime manger…) et à la dernière réunion j’ai redistribué les portraits aux animateurs avec pour mission d’être l’ange gardien de la personne confiée pendant les 4 semaines passées ensemble : l’aider, avoir de délicates attentions,….tout en ne se faisant pas découvrir…jusqu’au dernier jour où nous avons dû essayer de démasquer notre ange gardien.
Le jeu a très bien pris et l’été s’est passé dans la bonne humeur.
L’été dernier, j’ai mis en place le jeu du Killer chaque semaine…avec à la fin le meilleur animateur de la semaine ( celui qui a réussi le plus de défis)
Ces petits jeux simples à mettre en place nous ont permis de mieux nous connaître, découvrir des aspects méconnus des autres animateurs.
Le seul hic,…c’est que maintenant l’équipe d’animation a hâte de savoir ce que je leur prépare pour l’été prochain.
Merci pour vos conseils
Bonjour Aurélie,
Merci pour tes idées, c’est un bon exemple de comment des petits jeux peuvent simplement aider à créer une cohésion dans une équipe.
Bon courage pour trouver une idée pour l’été prochain ! Ce que je trouve intéressant c’est que si ton équipe est en attente de ça, ça veut dire que ça a vraiment bien fonctionné, alors bravo 😉
Elisa