Savoir quel type de séjour te convient n’est pas forcément évident dès la première expérience. Quel public, quelle tranche d’âge, grosse équipe, petit groupe, à thème… Il n’est pas simple de se trouver, les valeurs et les envies changent et s’affirment avec le temps – en tout cas pour ma part ! Pendant mes premières années en tant qu’animatrice, je voulais tester le plus de séjours différents avec le plus grand nombre d’organisateurs pour découvrir leurs pédagogies et apprendre, puis prendre (ou laisser) tout ce qui allait me servir par la suite. Parmi ces expériences, j’ai pu notamment y découvrir différentes manières d’aborder les activités de consommation.
Un sujet sur lequel les avis divergent : certain·es refusent catégoriquement toutes activités de consommation dans leur séjour car contraire aux valeurs qu’iels veulent véhiculer, et d’autres, au contraire, qui en font beaucoup trop à tel point que les anims ressemblent plus à des accompagnante·s au tourisme qu’à une équipe pédagogique. Alors existe-il une consommation raisonnée des activités passées en dehors du centre ?
Je te raconte ici 3 activités de consommations, 3 souvenirs de séjour qui m’ont marqué car ils avaient leur place dans le séjour et ont eu un impact dans la dynamique du groupe.
Au sommaire de cet article
La découverte des ruches en Aveyron
Je t’emmène dans un séjour avec des jeunes issus de milieux plutôt aisés parisiens, qui viennent passer une semaine en plein cœur de l’Aveyron. La grande majorité des jeunes n’avaient pas vraiment envie d’être là et je te ne cache pas que le séjour ressemblait beaucoup aux clichés sur les parisien·nes qui découvrent la campagne.
Dans le programme de la semaine, il y avait une sortie découverte des ruches avec un apiculteur du coin. L’idée était d’y aller à pied – environ une heure de marche, puis de revenir en bus. L’ensemble des jeunes s’étaient mis en tête qu’ils ne voulaient pas y aller et encore moins marcher, un grondement de mécontentement s’est fait sentir dès le début de la journée. Les arguments d’air frais, de paysage chouette et autres tentatives de l’équipe pour les embarquer n’ont pas réussi à convaincre.
Malgré tout on arrive là-bas et le groupe est de plus en plus agité, sans aucune envie d’écouter ni de participer. L’apiculteur qui nous reçoit a alors l’idée géniale de commencer la visite par la fin ; c’est-à-dire par la dégustation de miel. Et là, une once de curiosité parcoure le groupe pour en savoir plus sur la fabrication, et l’apiculteur était tellement passionné par son métier qu’il a réussi à embarquer tout le monde sur toute la visite : il s’en est même suivi un débat sur la préservation des abeilles ! Le soir, pour continuer sur cette lancée, on a même organisé un jeu de l’oie géant version abeille.
Au final, cette activité locale a abouti à une petite révélation pour les jeunes… Un pari réussi face à un groupe réticent !
Char à voile sur une plage de Bretagne
Changement de décor : nous voici ici dans une colonie de vacances avec un public adolescent en situation de handicap mental, sur la côte bretonne. La directrice nous annonce en début de séjour que nous devons organiser une activité sportive sur la plage avec tout le groupe, c’est écrit dans la brochure, soit. Elle nous laisse décider quelle activité, et nous décidons rapidement d’impliquer les jeunes dans le processus de décision.
La théorie était de ramener plusieurs plaquettes de l’office de tourisme puis de voir un peu quelle activité botterait le groupe, et si possible obtenir un consensus sur une activité que tout le monde aimerait. Comme tu peux l’imaginer, en pratique ça s’est passé bien différemment : le groupe était déjà divisé en deux depuis le début du séjour et là nous avions d’un côté ceux qui ne voulaient rien faire d’autre que la planche à voile et ceux qui voulaient absolument aller à l’aquarium (alors que ce n’était même pas proposé).
Une grosse bagarre a éclaté et nous nous sommes vite retrouvés à essayer de séparer le cœur de la querelle. On entendait le reste du groupe crier : « Je ne sais pas nager », « j’ai peur des poissons », « j’aime pas les algues », jusqu’à ce qu’un jeune éclate « tout de manière y a qu’un bus, soit on y va tous, soit on y va pas ! ». Et de cette phrase tout a changé ; quelques heures plus tard l’idée du char à voile a émergé et une grande majorité s’y est retrouvé.
Une belle démonstration de cohésion sur l’une des pires après-midis du séjour. Bien sûr si c’était à refaire, je pense que nous referions tout différemment dans la manière d’amener une prise de décision en groupe mais la finalité a été réussie ; et l’activité a permis d’aider à resouder un groupe divisé.
Le parc des loups du Gévaudan
Nous sommes ici dans un ALSH d’un village de Lozère avec un petit groupe de maximum 15 enfants accueillis par jour. L’accueil est ouvert seulement l’été et une nouvelle équipe saisonnière est recrutée chaque année. J’arrive dans cette structure en tant que directrice avec deux animateurs recrutés à distance. Aucun de nous n’est originaire du village en question, ni de Lozère, et donc l’une de nos premières missions lors de la préparation est d’en savoir plus sur le milieu de vie des enfants que nous allons accueillir mais aussi sur le territoire afin de proposer un programme le plus adéquat possible.
Bien que nous ayons fait quelques recherches et discuté avec les familles en amont de l’ouverture du centre, la première semaine a été vraiment une semaine de test. Certaines activités ont été hyper bien reçues et d’autres n’ont vraiment pas été appréciées mais cela nous a permis d’ajuster nos propositions pour les semaines suivantes. Les enfants étaient globalement volontaires et enthousiastes, mais surtout ils étaient demandeurs d’activités nouvelles. Il était important pour nous que le groupe soit aussi moteur des propositions ; mais pas facile de les faire s’exprimer sur ce qu’iels ont envie de faire quand iels ne savent pas ce qu’iels ont envie de faire ! Impossible alors de leur faire dire autre chose que gamelle et foot, et nous avons donc continué à être à l’initiative des activités – entrecoupées de parties enflammées de gamelle et de foot.
Au cours de l’été, il y avait deux sorties imposées par la Mairie dont la visite du parc des loups du Gévaudan. La grande majorité du groupe était déjà venue plusieurs fois et nous leur avons donc proposé de devenir les guides pour la journée. Nous avons fait la visite en suivant les enfants et en les écoutant raconter les histoires et les mythes du Gévaudan. Ça a tellement bien marché, c’était génial de les voir s’approprier cette journée et nous raconter un bout de leur histoire ! C’était un super moment de partage où pour la première fois le rapport était inversé et ce qu’on attendait depuis le début.
Suite à cette sortie, la dynamique du centre a été modifiée, cela a débloqué quelque chose chez les enfants et l’équipe pour continuer sur cette lancée.
Au final, c'est le sens qu'on y met
Les séjours remplis d’activités de consommation peuvent reproduire une vision des vacances dans lesquelles il faudrait en faire le plus possible et le plus rapidement possible ; dans une vision plutôt productiviste et qui promeut la société de consommation. J’ai aussi travaillé dans des séjours où beaucoup (trop) d’activités de consommation étaient planifiées. Tous les après-midi, nous allions quelque part : tir à l’arc, kayak, randonnée, parc aquatique, etc.. Si bien que même nous l’équipe d’animation avions du mal à prétendre être enthousiaste pour toutes les activités, tous les jours. Et à tel point que le sens donné à chaque sortie s’effilochait peu à peu, jusqu’à disparaitre.
Au final, il s’agit de se demander quel sens on veut mettre dans ces activités et quel sens on y met vraiment. Pourquoi on y va ? Qu’est-ce que ça apporte au séjour ? Est-ce que c’est cohérent avec le projet ? Parfois ces réponses seront claires dès le début, parfois elles arrivent plus tard. Dans tous les cas, je suis persuadée qu’une consommation raisonnée et réfléchie est possible, peut apporter beaucoup à un séjour voire à en changer la dynamique, que ce soit des parisien·nes qui découvrent le miel, des histoires de loups racontées par des petit·es lozérien·nes, et bien d’autres à venir encore.
Aller plus loin
Si tu veux élargir cette réflexion, je t’invite à lire le texte très intéressant de Jean-Michel Bocquet sur le déplacement des enfants en cliquant ici.