Timidité et animation sont-elles compatibles ?

Nous avons le plaisir de te proposer aujourd’hui le premier article de Cécile, qui a rejoint les membres bénévoles de Parlons Péda. Nous espérons que tu lui feras bon accueil !

Il y a quelque chose que je trouve bien mystérieux depuis toujours, ce sont les personnes qui ne sont pas timides. Celles qui ont l’air de toujours être à l’aise dans la vie, celles qui ont un pouvoir mystique qui les rend confiantes et sûres d’elles.

Dans le monde de l’animation, elles ont l’air naturellement douées pour parler devant toute l’équipe dès la première réunion, de faire un discours ou de mener une activité devant un groupe d’enfant sans trembler ou douter. Cela semble impossible pour une partie de la population dont je fais partie.

Les métiers de l’animation sont théoriquement des métiers de mise en avant, d’orateurs et d’oratrices passionné·es, de communication et de sociabilisation ; tous ces mots ne riment pas forcément avec timidité… Alors timidité et animation sont-elles compatibles ?

Cet article est à destination de toutes les personnes timides, qui le savent ou non. Je peux peut-être t’apporter quelques conseils pour comprendre et mieux vivre la timidité dans l’animation, et plus particulièrement en direction. Si tu n’es pas timide, tu as forcément déjà côtoyé quelqu’un·e qui l’est, donc je t’invite à le lire également.

Au sommaire de cet article

La timidité, qu’est-ce que c’est ?

Timidité et introversion

Commençons par le début : une définition. Il existe de très nombreuses définitions scientifiques de la timidité, mais selon le psychiatre Christophe André, la timidité est liée à l’anxiété sociale, qui « désigne l’ensemble des phénomènes d’inconfort pouvant aller de la simple gêne à la véritable panique, ressentis lors de la confrontation à certaines ou à toutes les situations sociales ». C’est une peur qui surgit particulièrement dans les situations d’incertitudes et face à la menace potentielle du jugement d’autrui.

Inaperçue ou bien visible, la timidité peut être stable ou ponctuelle, s’étendre à une situation spécifique ou à toutes les situations du quotidien. Pour ma part, je ne suis pas timide continuellement mais ce sont certaines situations qui vont la déclencher. Par exemple, je peux être très à l’aise avec des inconnus dans la rue mais complètement bloquée avec mes amis car quelque chose m’impressionne dans la pièce. Être très mal à l’aise dans ma boulangerie de quartier, mais blaguer avec une voisine de bus que je viens de rencontrer. Tout est une question de contexte, et donc de ressenti. Il existe ainsi autant de timidités que d’individus.

Les symptômes physiques de la timidité peuvent être variés : tremblements, rougissements, bégaiements, sueurs, palpitations cardiaques, impression d’évanouissement, maux de ventre et bien d’autres. Les timides anticipent les situations qui pourraient mal tourner, et pour certains le simple fait de se remémorer une situation qui les a mis mal à l’aise, génère à nouveau pratiquement le même inconfort.

Mais est-ce qu’une personne timide est forcément introvertie ? Et bien non, il ne faut pas confondre la timidité avec l’introversion. La personne timide peut avoir de la difficulté dans les situations nouvelles puis avec l’expérience, ça peut aller mieux. Comme l’explique Antoine Pelissolo, psychiatre, la personne introvertie quant à elle possède un trait de tempérament, donc lié au caractère, c’est une personne plus tournée vers elle-même et son monde intérieur.

Elle n’aura pas peur de parler comme la personne timide mais parlera peu par choix. Bien des introverti·es ne sont pas timides ; iels sont parfaitement confiants et détendu·es dans les situations sociales, mais ont besoin de moments de solitude pour trouver l’équilibre.

On ne naît pas timide, on le devient

La timidité est très répandue : 2/3 d’entre nous se déclarent plus ou moins timides. Pourtant, j’ai entendu une fois de la part d’un collègue animateur que la timidité n’existe pas. Quelle idée ridicule ! C’est facile pour un·e non timide de penser que ce n’est pas quelque chose de réel, alors que l’angoisse et la panique dans certaines situations sociales le sont bien trop.

Néanmoins il est vrai que personne ne naît timide. Elle le devient. En effet, les recherches scientifiques dans le domaine de la timidité montrent que ce n’est pas génétique. On peut naître avec certaines prédispositions, c’est-à-dire que certains enfants naissent plus impressionnables que d’autres. Mais puisque la timidité est liée à la vulnérabilité face aux autres, c’est bien qu’elle se développe au cours des années. Ce n’est qu’à partir de 8 ans que les enfants commencent à comprendre que les autres peuvent juger leurs comportements.

Certains styles parentaux peuvent favoriser le développement de la timidité tel que le trop autoritaire ou le trop permissif. Au contraire, selon Valérie Camos, un style d’éducation soutenant, où l’enfant est soutenu dans ses actions tout en évoluant dans un cadre rigide, réduirait la timidité.

Timidité et animation

La timidité en animation

Y a-t-il des avantages à la timidité ?

Travailler avec une équipe qui se complète dans ses personnalités est un atout indéniable pour fonctionner. La timidité permettrait de développer des capacités d’écoute et d’empathie. Poussés à l’introspection, à l’observation, au questionnement plus qu’à l’action directe, les timides ont tendance à moins se mettre en danger. De plus, iels peuvent aussi avoir un rôle de modérateurs ou modératrices dans les conflits, iels sont donc essentiels au bon fonctionnement d’un groupe.

Alors tout cela est bien sûr à mettre en perspective, un non timide ne parle pas toujours sans réfléchir et les timides ne sont jamais à l’abri de se retrouver au milieu d’une bagarre ou de sortir une grosse bêtise.

De plus, un groupe d’enfants, comme un groupe d’adultes, est composé avec des personnalités plus ou moins positionnées, investies, confiantes ou timides. Chaque enfant a besoin d’être représenté·e et de se sentir représenté·e, il est donc primordial d’avoir dans son équipe des profils différents.

Timidité et animation ne sont évidemment pas incompatibles, sinon les équipes seraient bien moindres. Les timides sont la « force tranquille » dans une équipe !

Personne en groupe

Comment survivre à une situation de mal-être social ?

Je n’ai pas de solutions miracles pour vaincre la timidité, mais je peux peut-être t’apporter quelques astuces pour mieux la vivre dans le monde de l’animation.

L’animation saisonnière : une équipe éphémère

Dans le monde des colonies de vacances et des accueils de loisirs, le plus courant est de travailler parmi une équipe de saisonnier. Et qui dit saisonner, dit éphémère ! Alors quand tu te retrouves dans une situation où tu te sens bloqué·e et anxieux·se vis-à-vis des personnes autour de toi, que ce soit par rapport à tes collègues ou même aux enfants, dis-toi qu’à la fin du séjour, tu ne les reverras jamais. Et cette pensée aide aussi pour proposer des choses nouvelles, pour essayer, tout simplement pour se dépasser.

Fake it ’til you make it

« Fais semblant jusqu’à ce que ça devienne une réalité ».  Proverbe anglo-saxon, l’idée est de faire semblant d’être très à l’aise et confiant·e… Et au bout d’un moment, quand tu auras fait illusion assez longtemps, tu te rendras compte que tu n’avais aucune raison d’avoir peur.
Personne bénévole

Alors oui, un directeur, une directrice et une équipe qui ne sont pas ouvert·es au concept de la timidité vont peut-être te faire remarquer ta réserve et te demander de t’ouvrir plus. Il est alors temps d’accepter les critiques, et de relativiser !

Cela veut dire que tu fais du bon travail, et qu’ils aimeraient entendre plus tes idées, ton retour. Cacher mais à la fois accepter sa timidité : c’est le paradoxe intérieur où tu vas oser avancer et proposer tout en ayant peur.

La timidité en direction

S’appuyer sur soi : prendre confiance

Si tu es une personne timide qui se lance dans sa première direction, tu te poses certainement beaucoup (trop) de questions. Certains questionnements sont nécessaires à la construction de ton positionnement en tant que directeur ou directrice.

En effet, au fil des stages et des expériences, tu apprends à te connaitre : quelles sont tes valeurs, lesquelles souhaites-tu partager et par quel biais, quels styles de direction tu veux mettre en place, avec les enfants, avec ton équipe ? Ces questions-là sont évidemment essentielles.

Mais je viens te parler des questions dites maudites car trop nombreuses et qui t’empêchent d’avancer. Nous timides privilégions l’anticipation de manière excessive sur ce qui pourrait se passer et cela résulte en un millier de questions avant même d’avoir commencé.

Alors prends confiance : si tu deviens directeur ou directrice, c’est que tu as déjà passé un certain nombre d’étapes dans l’animation ou dans le monde de la pédagogie et que tu te sens capable de diriger, ou du moins tu as envie d’essayer de diriger.

Tu n’es pas arrivé·e là par hasard, tu as déjà quelques cordes à ton arc. Il est maintenant temps de les verbaliser en introspection avec une liste :

  • quels sont tes points forts – tes compétences acquises,
  • lesquelles restent à parfaire,
  • lesquelles tu découvres ?
Personne en train de réfléchir

Deux étapes pour gagner du terrain sur ta timidité

La meilleure manière de gagner du terrain sur ta timidité se résume en deux étapes, et grâce à cette liste, tu pourras :

1- Identifier les situations qui te mettent mal à l’aise

Mettre des mots sur ce qui te met dans l’inconfort peut être désagréable à se remémorer mais cela va t’aider pour déterminer sur quelles situations tu peux travailler et quelles situations sont à éviter à tout prix.

2- S’entraîner sur certaines situations

Les situations que tu vas apprendre à maîtriser avec l’entrainement vont te paraitre moins stressantes, car tu vas pouvoir augmenter le contrôle sur celles-ci et diminuer la peur de l’inconnu.

Tu peux avoir des compétences sociales assez faibles à cause de ta timidité mais avoir pleine confiance en tes compétences professionnelles. Peu importe à quel stade tu es, tu seras toujours en train d’apprendre avec une base de compétences acquises.

Réussir un jeu, diriger une équipe, monter un séjour, ce n’est pas une question sociale mais une question de technique. Alors petit à petit, avec l’expérience, tu prendras confiance.

Cadenas qui s'ouvre

S’appuyer sur les autres : la direction participative

Adopter une direction participative quand on est un directeur ou une directrice timide peut s’avérer extrêmement utile.  En effet, cela permet de s’appuyer sur les compétences des autres pour se dégager d’une situation de malaise liée à la timidité.

Maintenant que tu as identifié les domaines où tu es à l’aise et ceux potentiellement source d’angoisse, tu peux t’appuyer sur ton équipe pour cette dernière catégorie.

Personne qui donne une idée

Prenons l’exemple d’une première journée de préparation d’un séjour d’été. L’un des objectifs sera de faire connaissance avec ton équipe et qu’iels fassent connaissance entre eux. Si tu n’es pas à l’aise avec les jeux d’introduction, demande à chacun·e de préparer un petit jeu en amont de la journée de préparation, et c’est à eux de les animer à tour de rôle ou sur la base du volontariat. Au fur et à mesure de la journée, tu pourras à ton tour mettre en place quelque chose quand tu seras un peu plus à l’aise avec ta nouvelle équipe.

L’enfer de la réunion

L’une des responsabilités de la direction est de créer une dynamique de groupe au sein de l’équipe. Cette dynamique passe en grande majorité par l’animation de la réunion, c’est le moment sans les enfants où tout le monde s’accorde sur l’organisation.

Alors pour un directeur ou une directrice timide, la première réunion à animer peut vite devenir un véritable enfer. Voici quelques conseils pour éviter la tourmente, voire même essayer d’apprécier mener une réunion.

Tip n°1 : la préparation !

Ce n’est un secret pour personne : une réunion se prépare. Mais le temps dédié à la préparation et le degré de détail varient d’une personne à l’autre. En effet, certain·es meneurs ou meneuses de réunion préparent en quelques minutes et improvisent…

Pour ma part, je prépare en détail la réunion, et j’anticipe toutes les éventuelles questions afin d’être prise au dépourvu le moins possible. Ainsi, je prépare ma réunion en me demandant :

  • Quels sont les objectifs de cette réunion, qui doit être présent·e ?
  • Quels sont les outils et méthodes adaptés à ces objectifs ?
  • Quel est la durée maximale de la réunion ?

Une fois ces questions posées, je peux faire une liste exhaustive des points à aborder, et commencer la préparation des outils. En faisant tout cela étape par étape, je me mets aussi à la place des animateurs et animatrices qui vont vivre cette réunion et ainsi je peux anticiper leurs questions le plus possible.

Tip n°2 : la communication !

L’idée est d’instaurer un mot d’ordre dès le début : bienveillance et respect. Même si ça peut paraître bateau et que pour certain·es il ne semble pas nécessaire de l’évoquer, le dire oralement à toute l’équipe lors de la première réunion va soulager les plus timides.

Je commence toujours toutes mes premières réunions par rappeler qu’il y a autant d’individus que de personnalités et chacune d’entre elles doit se sentir la bienvenue et à l’aise dans cette équipe. Pour cela, la communication est primordiale : l’idée est de créer un espace où chacun·e se sent en sécurité et en confiance pour s’exprimer, peu import le degré de confiance ou de timidité en chacun d’eux.

Tip n°3 : Se dédouaner personnellement !

Une question qui déroute ?

Même après avoir anticipé le plus de questions possibles, tu peux être pris·e au dépourvu quand un animateur ou une animatrice pose une question inattendue ou propose quelque chose qui ne fait pas partie du plan. Et là, argumenter toutes les décisions par des faits rationnels aide à prendre confiance en soi.

Pour ma part, je ne réponds jamais de manière dictatoriale, c’est-à-dire sans explication et sans concertation. D’abord, j’appuie ma réponse sur les différents cadres et dans cet ordre : le cadre de la législation (est-ce que la proposition est en accord avec la loi et la réglementation des ACEM ?), le cadre du projet éducatif (est-ce que la proposition est en accord avec les directives et le projet de l’organisateur ?), et enfin le cadre du projet pédagogique.

Si la réponse est oui à ces trois questions, je laisse la décision revenir à l’équipe et aux personnes concernées par la proposition, en direction participative comme évoqué plus haut. Ce n’est donc pas moi personnellement qui réponds oui ou non, et cela me décharge d’un certain nombre de questionnements intérieurs.

Tip n°4 : Anticiper la fin de la réunion  

Une conversation qui déborde ?

Savoir comment terminer une réunion est aussi important que de savoir comment la commencer. En effet, après avoir fini la liste de points à aborder et rempli les objectifs de réunion, il n’est pas rare que la conversation déborde sans le meneur ou la meneuse.

Je suis ainsi restée coincée plus de 45 minutes à la fin de ma première réunion car je n’osais pas couper la parole et interrompre la discussion en cours – qui n’avait plus rien à avoir avec les sujets de la réunion. Ramener tout le monde à l’ordre et apporter une fin à la réunion était un calvaire.

L’une des solutions est alors d’assigner un rôle à l’un des membres en début de réunion : quelqu’un garant non seulement du temps imparti pour la réunion mais aussi du sujet pour ne pas s’en éloigner. C’est également à lui de savoir quand terminer la réunion.

Si tu veux en savoir plus, Elisa a consacré un article à la réunion où elle parle de cela (c’est par ici) et avec Hugo iels ont enregistré un podcast à ce sujet (c’est par là).

Le mot de la fin

La timidité est un aspect de la personnalité qui peut être un frein dans les relations de tous les jours, voire un véritable handicap.

C’est pourquoi, les ACEM peuvent donner un espace de liberté pour se trouver et se dépasser. Chacun vit sa timidité différemment, à toi de trouver tes propres astuces pour pouvoir t’épanouir progressivement autant professionnellement que personnellement.

En bonus

« In Between » court métrage d’animation d’élèves de l’école des Gobelins :

Pour aller plus loin

A venir sur le même thème :  Comment gérer quelqu’un de timide dans son équipe ?

 

Et toi, es-tu timide ? Si oui, comment fais-tu pour gérer cela ? N’hésite pas à nous partager ton expérience en commentaire ou sur notre chaîne Telegram !

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